l’emportent largement. Les Jurassiens franc-comtois descendent de la haute vallée du Doubs, les Neuchâtelois des Montagnes et du Val-de-Travers. Dans les Alpes, les Piémontais sont plus nombreux que les Valdôtains et les Savoyards, qui viennent pourtant de plus près.[43]
Beaucoup de contrebandiers franc-comtois franchissent les frontières.[44] Bien sûr, ils n’apparaissent pas dans les registres de passeports visés. La plupart des Franc-Comtois recensés viennent de villages situés dans la haute vallée du Doubs, en amont de Pontarlier: Mouthe, La Chaux Neuve, Rochejean et, en amont des sources, Foncine. Ces migrants sont des agriculteurs - le terme le plus fréquemment utilisé pour les désigner est celui de laboureur - qui viennent exercer leurs compétences outre Jura. Ils franchissent les frontières de mai à octobre: les foins sont généralement coupés en juillet tandis que les moissons ont lieu en septembre.[45] Les lieux de destination les plus fréquemment cités sont des villages du Pied du Jura: Grancy (où les seigneurs de Senarclens détiennent des terres) et L’Isle (famille de Chandieu), mais aussi du Jura: Ballaigues et Sainte-Croix, où l’on ne trouve pas de vastes propriétés nobiliaires mais où les foins et les rares céréales doivent être recueillis plus rapidement qu’en plaine à cause des conditions climatiques plus rudes. Quelques laboureurs se rendent vers des villes (Lausanne, Morges, Cossonay), mais on ne remarque pas de mouvement de masse comparable à ceux des journaliers agricoles qui se rendent par milliers aux alentours des très grandes villes pour y travailler dans les latifundia, comme les montagnards des Abruzzes évoqués ci-dessus. Les marchands franc-comtois, qui accompagnent les laboureurs et portent parfois le même patronyme, sont sans doute plutôt des petits commerçants ou des marchands de bétail que des riches négociants. Quelques vanniers, toujours originaires de la même région, passent en mai et en août. Les migrants temporaires de la région de Saint-Claude n’apparaissent pas: le sud du Jura est mal recensé, le sous-préfet du district de Nyon (au débouché des cols) ayant obstinément refusé de remplir les tabelles. Les activités des personnes venues du Jura neuchâtelois sont bien différentes de celles des Franc-comtois. Les marchands dominent; il s’agit sans doute le plus souvent d’établisseurs achetant ou vendant les montres ou les pièces détaillées d’horlogerie qu’ils commanditent, parfois de négociants de dentelles. Les horlogers suivent; ils sont cependant moins nombreux que les artisans genevois de la Fabrique.
Dans les Alpes, les gens parlant un patois français sont significativement moins nombreux que les italophones: ces derniers totalisent environ 75 entrées.