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Page:Labi 1998.djvu/171

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l’intendant, l’importance de la question protestante ne revêtait donc pas la même importance dans l’un et l’autre cas. Aucun des deux toutefois ne pouvait se permettre de l’ignorer.

L’intendant de Provence, Thomas-Alexandre Morant, mentionne à deux reprises, dans sa correspondance avec les ministres, la fuite des protestants à l’étranger. Voici ses notes du courrier au départ. Le 4 décembre 1685, à Louvois: «Au sujet de l’éventuelle sortie du royaume des religionnaires qui n’auraient pas abjuré de bonne foi. Morant estime qu’il n’y en aura guère, parce qu’ils ont pu le faire avant l’arrivée des dragons et que la Provence touche la Savoie; en outre ils n’ont guère de moyens. Par contre les commerçants de Marseille, par leurs relations avec l’étranger, pourraient être tentés.»

Le lendemain, une nouvelle lettre partait de ses services pour le marquis de Croissy cette fois: «Au sujet de l’interdiction de sortir du royaume pour les religionnaires. Faut-il exécuter l’ordre du 23 novembre de ne laisser sortir que ceux qui ont des raisons valables (négoce), ou celui du 24 de Louvois d’arrêter tous ceux qui voudront s’absenter?»[8]

L’embarras de l’intendant, qui perce à travers cette dernière question, manifeste les hésitations et les contradictions du gouvernement sur l’attitude concrète à adopter pour empêcher l’émigration huguenote. Peut-être l’intendant s’amusait-il ainsi à dresser l’un contre l’autre le clan Louvois et le clan Colbert? En tout état de cause, le problème n’était guère crucial pour la Provence, vu la faiblesse des effectifs concernés et la modicité des moyens dont ils disposaient. Il fallut toutefois surveiller les limites territoriales, comme en témoigne un «État des hommes employés en 1685 et 1687 à la garde des frontières pour empêcher la sortie des huguenots», une ordonnance royale du 25 août 1687 supprimant cette garde.[9]

Il en allait autrement pour Pierre Cardin Le Bret, intendant du Dauphiné, province dans laquelle les protestants formaient, comme nous l’avons vu, une minorité autrement importante. D’après la mise au point de M. Magdelaine déjà citée, cette province aurait compté aux alentours de 70’000 protestants.

Nous connaissons la préoccupation de l’intendant et du gouvernement grâce, de nouveau, à la correspondance. Mais cette fois, par fortune, nous disposons tantôt du courrier adressé par les ministères à l’intendant et tantôt des lettres expédiées par Lebret à ses supérieurs, ou plus exactement des notes prises soit à l’arrivée soit au départ du courrier. Il peut être éclairant de suivre la chronologie des missives.

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HISTOIRE DES ALPES - STORIA DELLE ALPI - GESCHICHTE DER ALPEN 1998/3