cette perspective sur les migrations religieuses médiévales, celles de groupes, propices à une enquête tant sur la relation entretenue avec la frontière qu’à la définition d’un espace lui-même créateur d’identité, quand les liens demeurent entre les différents foyers nés de la dispersion originelle.
Le monde vaudois du Haut Dauphiné, auquel j’ai consacré une partie de mes recherches passées, se prête particulièrement à une réflexion sur la mobilité et les migrations dans la mesure où elles en accompagnent l’histoire.
Dans les limites politiques du Dauphiné d’avant 1713, englobant les hautes vallées de Suse, du Valcluson et de la Varaïta, vivaient en 1475 un minimum de 500 foyers vaudois répartis entre le Valcluson, lui-même rattaché au diocèse de Turin et élément parmi d’autres du vaste ensemble hétérodoxe piémontais et trois vallées du diocèse d’Embrun; celles de Vallouise, de L’Argentière et de Freissinières isolées dans le monde orthodoxe qui les environne. L’abondante bibliographie présente autorise une réflexion d’ensemble dont nous ne pouvons ici que souligner les principaux thèmes.[1]
LES ORIGINES, LA MIGRATION CRÉATRICE
Quelle est la mémoire historique du phénomène?
Du Valdéisme, on connaît l’origine urbaine, lyonnaise, la référence précoce à Rome, dont les premiers adeptes espérèrent être reconnus, donc les contacts possibles d’emblée noués au long de la route italienne. La condamnation prononcée par l’évêque de Lyon en 1182 n’aurait donc pu prendre au dépourvu ceux dont l’exil devint la destinée. Qu’il suffise ici d’évoquer la présence vaudoise du Languedoc à l’Italie dès l’aube du 13e siècle, les efforts de clarification entre «Lombards» et «Ultramontains» en 1218 pour mesurer la diffusion de leurs idéaux.
L’établissement de certains dans les hautes vallées des Alpes s’explique ainsi, dans la vaste région de passage obligé entre les deux pôles très tôt identifiés du mouvement. Vue de la vallée du Rhône ou de la plaine du Pô, elle présente d’ailleurs l’image d’un monde sauvage et lointain. Quand Guillaume Peyraut, dominicain de Lyon, qui prêcha le carême de 1249 à Vienne, quitta le monde familier de la ville pour toucher d’autres milieux, on sait seulement par son biographe qu’il n’hésita pas à s’enfoncer dans les Alpes «stériles et à peu près inaccessibles». C’est l’image - le cliché - qui devait demeurer à